• CAEN du 12 octobre 2015

    Déclaration sur la carte des formations professionnelles initiales

    Sur la forme et surtout au niveau de la méthode quant à l’élaboration de la carte régionale des formations professionnelles, force est de constater que si nous avions collectivement bien progressé sur le dernier exercice, celui-ci marque un recul net. En effet, sous couvert de calendrier électoral resserré, c’est une nouvelle fois la concertation et la prise d’avis des organisations représentatives des personnels comme des usagers de l’éducation qui font les frais de l’exercice « rentrée 2016 ». Celui-ci tend à se résumer de facto à de stricts échanges interservices entre les différentes autorités de tutelle, sur la base d’une note de cadrage tripartite présentée pour information mais non débattue en CAEN, et par suite à une politique désagréable de mise devant le fait accompli sur « papier glacé ». En conséquence, la FSU Centre demande un retour au bon fonctionnement obtenu de façon consensuelle l’an passé, avec la réunion de deux groupes de travail CAEN ad hoc, permettant : pour le premier d’échanger avant la signature sur le projet de note de cadrage tripartite, et pour le second de partager des avis en amont de la tenue des instances et de la parution des priorités retenues par rapport à la carte des formations.

    Sur le fond, la première préoccupation de la FSU, concernant la carte des formations initiales, c’est le nombre de places disponibles pour répondre à la demande sociale de plus en plus importante en direction des Lycées professionnels et pour y accueillir les élèves dans de meilleures conditions. La hausse démographique, la baisse des inscriptions dans le privé, la baisse des contrats d’apprentissage, la demande de poursuite d’études après la troisième, tout cela explique une hausse des effectifs qui va se poursuivre, qu’il faut anticiper, qui nécessite des moyens et une répartition judicieuse des deniers publics par le gouvernement.

    Or les moyens pour les formations sous statut scolaire sont insuffisants pour ouvrir le nombre de places nécessaires, alors qu’elles vont continuer d’augmenter en apprentissage, malgré la baisse continue du nombre d’apprentis, qui atteint dans la région moins 13% pour le niveau V et moins 11% pour le niveau IV. Malgré l’impact de la crise économique sur l’embauche d’apprentis à ces niveaux par les TPE et les PME, malgré les discriminations reconnues et prises en charge dans le CPRDFP arrivé à échéance, mais sans résultats tangibles, l’apprentissage reste la priorité du gouvernement. Le résultat, c’est que la voie professionnelle scolaire est abandonnée à ses difficultés, alors que sa mission de service public est bien d’accueillir et de faire réussir tous ceux qui frappent à sa porte. Y compris ceux qui n’ont pas obtenu de contrat d’apprentissage.

    Quel constat faisons-nous à cette rentrée ?

    D’après la carte des formations 2015, 182 places seulement ont été créées dans les LP de l’Education Nationale, aux niveaux V et IV, alors que la hausse annoncée des effectifs était de +272 élèves. Il a donc manqué théoriquement au moins 89 places pour accueillir les élèves supplémentaires attendus.

    Où sont aujourd’hui tous ceux qui n’ont pas trouvé de place dans la formation de leur choix ? Ne risque-t-on pas de fabriquer du décrochage si l’affectation en LP ressemble de plus en plus à un jeu de chaises musicales ? Ils ne sont assurément pas dans l’Enseignement Agricole Public… qui a déjà eu toutes les peines du monde à maintenir ses capacités d’accueil (avec des incertitudes sur le financement de l’offre d’enseignements facultatifs de ses lycées, devenue variable commode d’ajustement, qui n’ont pu être levées que mi-septembre suite à un préavis de grève sur la rentrée). Ainsi, l’Enseignement Agricole Public a été amené une nouvelle fois à rejeter des élèves en nombre tant sur ces formations générales et technologiques que professionnelles… ce qui contrevient à la mission première du service public d’éducation et ne peut qu’amener des jeunes à renoncer à leurs choix d’orientation ou à se tourner, si tant est que leurs familles le puissent financièrement, vers des officines privées.

    Une partie des nouvelles places a été ouverte à moyens constants, en augmentant les capacités d’accueil. La moyenne du taux de remplissage des classes atteignait 96,4% à la rentrée 2014, les records étant dans le Cher et le Loiret, avec respectivement 98,10 et 98%. La FSU attire l’attention depuis plusieurs années sur les conséquences pédagogiques de cette situation de plus en plus tendue. On notera ainsi dans l’Enseignement Agricole Public le retour de pratiques de non application des dédoublements réglementaires au détriment des conditions d’études des jeunes et des conditions de travail des personnels.

    Quels sont les taux atteints à cette rentrée ? Quels en seront les conséquences sur la réussite des élèves, qui subissent des conditions d’études de plus en plus dégradées, alors que les résultats aux examens professionnels sont en recul à la session 2015 ? Il convient de souligner qu’à l’heure où la réforme des lycées est censée « arriver à maturité », l’Enseignement Agricole Public enregistre une baisse de 30% des crédits alloués aux dispositifs dits d’individualisation, qui vient s’ajouter aux 20% de moins de l’année passée, là où l’ensemble des élèves seraient en droit de bénéficier de ceux-ci… Qu’ajouter ?

    Les perspectives pour la rentrée 2016 s’inscrivent dans la même logique, alors que la poussée des effectifs va se poursuivre pratiquement au même rythme (+ 243 élèves).

    Pour les formations sous statut scolaire, le rectorat s’est donné deux priorités, compenser la montée des effectifs et développer les poursuites d’études après le Bac. Aucun moyen disponible pour revoir le maillage de la carte en vue d’une meilleure offre dans toutes les zones de l’académie, aucun moyen au service de la diminution des sorties du système éducatif en fin de troisième. Aucun moyen pour soulager les effectifs dans les classes. Les ouvertures sont presque toutes conditionnées par des redéploiements. La priorité aux départements où la poussée des effectifs est jugée la plus criante (l’Eure et Loir et le Loiret) laisse de côté les 4 autres départements. La seconde priorité, le développement des poursuites d’études en BTS (+46 places), limite les mesures aux niveaux IV et V. Il n’y aura donc aucune place de plus en CAP, pour les publics les plus fragiles, et seulement 36 places supplémentaires au niveau IV.

    Dans le même temps on nous parle de priorité à la prévention et à la lutte contre le décrochage, de droit au retour en formation, etc. Comment va s’exercer ce nouveau droit, dans les lycées professionnels, vu la situation actuelle et les perspectives pour la prochaine rentrée ?

    Quand on compare avec les places ouvertes en apprentissage, on est en droit de s’étonner de l’augmentation du nombre de ces places : 140 aux niveaux V, IV et III, pour seulement 90 dans les LP comme indiqué ci-dessus. L’augmentation est inversement proportionnelle aux évolutions des effectifs ! Il faut y ajouter 160 places de plus aux niveaux II et I et pour le seul apprentissage ! Certes les moyens viennent de la Région dans un cas, du Rectorat, dans l’autre, mais ils résultent d’arbitrages budgétaires qui sont ceux du gouvernement. Au final, l’apprentissage ne représente pas moins des 2/3 des ouvertures nettes en région pour la rentrée prochaine et 3 départements (Cher, Indre et Loir-et-Cher) ne bénéficient d’aucune augmentation de capacité d’accueil en voie scolaire !

    De plus globalement, l’offre aux niveaux V et IV, que ce soit par voie scolaire ou par apprentissage, est insuffisante pour éviter que des jeunes ne trouvent de places ni en LP ni dans les CFA. La priorité aux poursuites d’études dans l’Enseignement Supérieur, afin de tenter d’atteindre l’objectif de 70 000 étudiants à l’horizon 2020, limite par contrecoup les possibilités offertes après la 3eme. Certes l’augmentation du nombre de jeunes poursuivants des études supérieures est une nécessité sociale et économique, mais elle se met en œuvre dans des conditions qui risquent d’alimenter les inégalités, d’entretenir et de développer une offre à deux vitesses, ce qui conduit à une première qualification toujours plus aléatoire pour les jeunes issus des milieux les plus modestes, et à un Bac ou plus pour les plus chanceux.

    Enfin, la faiblesse des embauches d’apprentis dans le privé a conduit le gouvernement à promouvoir le développement de l’apprentissage dans la Fonction Publique. Nous souhaitons avoir toutes précisions concernant les apprentis embauchés à cette rentrée par la Région et par le Rectorat. La FSU Centre entend vérifier que toutes les garanties exigibles pour la qualité de la formation des jeunes concernés sont réunies et que ces embauches ne vont pas venir compenser le manque de personnels titulaires, par exemple en personnels administratifs et techniques.